Une rencontre «surréaliste» pour 5 élèves et leur institutrice, 62 ans plus tard

En août 2008, Jean-Marie Claeys avait lancé un « avis de recherche » par le biais de notre journal pour retrouver l'institutrice qui l'avait tant marqué quand il avait 10 ans.

Quinze jours plus tard il contactait au téléphone « Mlle Vérhée » (devenue entre temps Mme Bartier) en Ardèche. « Il était tout ému, il a même pleuré au bout du fil », raconte celle qui a fait des centaines de kilomètres pour le rencontrer. "À 79 ans, Jacqueline Bartier-Vérhée a gardé la fraîcheur de ses 17 ans. L'oeil a pétillé d'émotion devant ses « grands enfants » qui l'attendaient au restaurant. Petits plats, bouquet de fleurs... rien n'était trop beau pour celle qui leur a laissé « de très bons souvenirs », certains avouant même avoir ressenti « leurs premiers émois cette année-là ». Mais c'est pour Jean-Marie Claeys, l'initiateur de la rencontre, qu'elle a certainement le plus compté. « C'est l'année où il a perdu sa maman, sa grand-mère. Il a porté son affection sur moi et j'ai dû répondre à son besoin de tendresse », sourit-elle.

Gaëtan Deblacquer, Jean-Marie Claeys et Jacqueline Bartier née Vérhée.


Toute souriante, pimpante, elle les a embrassés et le tutoiement s'est vite installé autour de la table. Elle avait reconnu au premier coup d'oeil Gérard Sion (« tu étais le plus sérieux ») à la gouaille, Patrice Honnart (« tu étais le plus dissipé ») aussi, le côté réservé de Jean-Marie Loridan elle avait connu Gaëtan Deblacquer « timide, tu as la voix qui porte aujourd'hui. » Et les cinq septuagénaires de se rappeler cette institutrice, de juste sept ans leur aînée, et elle, de se remémorer sa première journée de classe, « émue par ces garçons bien rangés dans la cour ». Jean-Marie Loridan a raconté comment il lui avait prêté sa trousse pour qu'elle passe son baccalauréat (« vous n'aviez qu'un plumier »). Lui était pensionnaire ses parents étaient cultivateurs à Richebourg. « Il avait fallu amener le lit, le matelas, même la bassine pour se laver ! Je rentrais toutes les trois semaines, maman venait à vélo le dimanche, on se voyait au parloir. » Il a décrit la tenue bleue que les élèves portaient le dimanche : costume, gants et mouchoir blancs, bouton de manchettes, écusson SJ (Saint-Jude). « Et on crevait de faim. » Jacqueline Bartier a rappelé à Gérard : « J'ai eu trois Sion au cours de ma carrière. Tu étais à l'avance. Un jour que j'avais une extinction de voix c'est toi qui as interrogé tes petits copains. » Les noms et surnoms des professeurs et des abbés ont ressurgi : « Pépin » (« il postillonnait ! »), « Pet'sec » (« qui avait un caractère de cochon »), « Pisse vinaigre », « Peau de vache », « l'abbé qu'il ne fallait pas approcher seul »... Aussi le « gentil », le « bon prêtre », l'« ambitieux », la « bonne pâte »... Les images ont défilé de l'un à l'autre mémoire partagée.

Puis ils ont parlé à bâtons rompus de la mixité scolaire (« Je ne sais plus si c'est une bonne idée »), de la retraite (« On garde nos petits-enfants »), de l'emploi (« Les jeunes sont bardés de diplômes et arrivent sur le marché du travail au mauvais moment »), de la mort (« Il faut la préparer »)... Jacqueline Bartier a demandé des nouvelles des personnes qu'elle a perdues de vue depuis qu'elle a quitté Armentières en 1955 (elle a épousé Pierre, horloger, en 1953 et a tenu des bijouteries jusqu'en 1990), expliquant être encore « amie avec Thérèse, que j'ai connue à l'école Sainte-Thérèse quand j'avais 9 ans »."