Après plus de cinquante ans d’activité, la boutique Évasion va disparaître du centre-ville

Une page se tourne cette semaine pour le centre-ville armentièrois. Le magasin de prêt-à-porter multimarques Évasion va baisser le rideau. Retour sur une aventure familiale avec Marie-Claire Closset (dont le papa fût professeur à Saint Jude), la fille de la fondatrice, qui aura tenu la boutique pendant plus de cinquante ans.

Avant, on louait des skis à Armentières

L’histoire de la boutique Évasion remonte à 1961. La maman de Marie-Claire Closset, prof de maths, donne des cours particuliers aux enfants de bonnes familles du textile. Loquace et joviale, elle explique un jour à un élève son rêve de devenir commerçante. Ce dernier lui parle du magasin de sa tante situé au numéro 39 de la rue de Lille. La Hutte, un magasin spécialisé dans les articles de sport mais aussi le camping.

Marie-Claire avait 12 ans quand sa maman reprend l’affaire. «  Elle n’avait aucun financement, mon père était prof à Saint-Jude, il a d’ailleurs été le premier professeur laïc de l’établissement. Ce sont donc les parents de ses élèves, des industriels qui l’ont aidée.  » En 1966, les propriétaires de la Chapellerie Guise, située au coin de la rue de Lille et de la grand place, partent à la retraite. «  Ils ont proposé à maman de déménager.  » Marie-Claire avait 14 ans. «  J’étais toujours fourrée là, j’étais très impliquée.  » À tel point qu’elle décide de quitter l’école à 16 ans pour le magasin. «  On vendait des caravanes, du matériel de camping. Tables et relax étaient exposés sur le trottoir, on testait les tentes dans le terrain. J’avais 18 ans et j’allais chercher des caravanes au sud de Paris.  »

Les Armentiérois pouvaient acheter des skis et des chaussures dans la boutique et même les louer ! Marie-Claire prendra les commandes de la boutique en 1974, date du décès prématuré de sa maman. Alors que les magasins de sport poussent dans les zones commerciales, la commerçante sent le vent tourner. En 1975, elle rompt avec la franchise et se lance dans le prêt-à-porter tout en gardant les articles de tennis et d’équitation. Le magasin s’appelle désormais Évasion.

Évasion décroche les bonnes marques et s’engouffre dans le web

À l’époque, une quinzaine de boutiques de prêt-à-porter composaient le tissu commercial du centre-ville. Il fallait se démarquer et Marie-Claire le comprend vite «  J’ai choisi New Man et je l’ai eu en exclusivité homme, femme, enfants. On peut dire que j’ai eu du nez  » résume plus de quarante ans après la commerçante. Évasion est désormais connue comme une enseigne multimarque haut de gamme et va habiller des générations d’Armentiérois.

Bis repetita en 2007. «  Mon fils aîné veut créer un site internet.  » Ce sera « Des marques et vous » qui, une fois de plus, aura décroché une marque moteur : Desigual, qui va cartonner dans les années suivantes et faire exploser l’activité d’Évasion. «  Cette marque avait des stocks inépuisables et la boutique en profitait.  » La famille investit dans des locaux disséminés dans le centre-ville d’Armentières et même un entrepôt à Houplines pour les stocks. En 2012, Des marques et Vous était «  devenu trop petit pour les gros et trop gros chez les petits. Mon fils m’a dit «soit on va chercher des investisseurs, soit on vend».  » Après deux années de négociations, Devianne et le groupe Verywear rachètent le package : site internet plus boutique.

« Mes enfants ont grandi au troisième étage, ils ont toujours dit qu’ils étaient les enfants d’Évasion »

Une affaire familiale

La mère et la fille d’abord, Marie-Claire et ses sœurs ensuite pendant vingt ans, puis Marie-Claire et ses enfants, toute la vie d’Évasion a été vécue en famille. «  Mes enfants ont grandi au troisième étage, ils ont toujours dit qu’ils étaient les enfants d’Évasion.  » Le fils de Marie-Claire est aujourd’hui directeur du site Internet du groupe et sa belle-fille gère l’intermédiaire avec les boutiques. Marie-Claire n’est pas surprise aujourd’hui par la liquidation. «  Je suis forcément émue, mais ça a été une belle aventure qui aura duré plus de cinquante ans.  » Retraitée depuis un an, Marie-Claire a terminé sa carrière comme salariée pour le groupe. Très attachée aux vendeuses, elle sait que «  chacune va rebondir  ».

Samedi 16 juin 2018 au soir, le rideau fermera définitivement. «  J’habite à 300 mètres et j’avais gardé l’habitude de passer très régulièrement donc ça va forcément me faire un vide.  » Aux Armentiérois aussi.